Mèche blonde plaquée sur le crâne, un 14 floqué dans le dos, ce grand et robuste milieu de terrain fait partie de la race des joueurs d’un autre temps. A défaut d’être un mastodonte du marketing ou un bourreau des statistiques, il incarne le footballeur à l’ancienne, animé par la générosité, la passion et le goût du combat. Découvrez le portrait de Jordan Henderson, celui d’une promesse tenue.
De chat noir à lion flamboyant
L’histoire commence dans le Nord Est de l’Angleterre. Pur produit de Sunderland, Jordan intègre le centre de formation des Black Cats après un bref passage à la Farringdon Community Sports College. Le potentiel du garçon est flagrant et il a la chance de défendre les couleurs de son club de coeur. Henderson découvre la Premier League à seulement dix huit ans. Sous la houlette de Roy Keane, il prend part à la débâcle des siens lors d’une écrasante défaite contre Chelsea à Stamford Bridge (5-0). L’année suivante, il est prêté à Coventry City pour faire ses armes. Les prestations d’Henderson sont concluantes mais une vilaine blessure au pied suspend temporairement son évolution.
Athlète impressionnant et travailleur acharné, il intègre le groupe professionnel à son retour au Stadium of Light. Jordan se contente d’interventions ponctuelles en cours de match, de quelques titularisations en coupe et marque son premier but en championnat contre les Citizens. Il profite de la blessure du capitaine emblématique Lee Cattermole pour se muer en irrésistible substitut. Il s’installe dans l’axe et ne tarde pas à briller. Il est élu à juste titre meilleur jeune de la saison par son club.
Durant une pré-saison dantesque, il troque son numéro 16 pour le 10 de l’attaquant légendaire Kevin Phillips. Il incarne très vite un grand espoir du football anglais. Son entraineur de l’époque Steve Bruce ne tarit pas d’éloges sur son joyau et lui promet un brillant avenir. En 2010, il est appelé pour sa première sélection en équipe A d’Angleterre menée par Fabio Capello. Seulement quatre années plus tard, il sera titulaire indéboulonnable pour le triste mondial des Three Lions au Brésil.
L’ascension rouge
Convoité par les meilleurs clubs anglais, il décide de signer au Liverpool FC en 2011. Son arrivée est jugée comme un investissement coûteux en plein cœur d’une britannisation hasardeuse de l’effectif, qui précipitera le licenciement de Damien Comolli. Le numéro 14 connaît des débuts difficiles du côté d’Anfield sous les ordres de Kenny Dalglish. D’abord utilisé comme milieu droit pour son cardio extraordinaire, le jeune anglais peine à trouver ses marques. En dépit d’une superbe réalisation contre Bolton pour son 3e match officiel, Henderson multiplie les courses inutiles et les prestations en dent de scie. Il s’impose dans le onze titulaire sans toutefois faire l’unanimité. Malgré une fin de saison encourageante, un titre en Coupe de la Ligue et une finale de FA Cup au compteur, il pointe un premier bilan famélique (seulement 2 buts et une passe décisive en 37 rencontres de championnat).
Son funeste rapport qualité/prix est mis en exergue et les critiques fusent. Le mercato estival 2012 scelle son avenir jusque là incertain. Il reste au club en échappant à la restructuration de ce dernier. Sa situation précaire n’a pas altéré sa détermination. En outre, sa collaboration avec Brendan Rodgers signe le début d’une fulgurante progression. Le technicien nord irlandais le positionne au centre de son schéma tactique, lui offrant la possibilité de s’exprimer et de tirer le meilleur de ses aptitudes. Il devient un « supersub » implacable. « Hendo » dispute 30 matchs dont 16 comme titulaire et gonfle ses statistiques avec 5 réalisations et 4 passes décisives en Premier League. Jordan s’érige comme joueur incontestable lors de la campagne européenne des reds en Europa League, réduit à néant par le Zenith St Petersbourg.
Sa saison la plus aboutie est sa troisième. Son endurance impressionnante lui permet de tenir un pressing haut ainsi qu’un repli défensif efficace durant 90 minutes. Aussi à l’aise en phase défensive qu’offensive, ses courses à répétition et son flair lui confèrent les qualités d’un fantastique contre-attaquant. Cet infatigable travailleur de l’ombre possède en outre une palette étonnante de passes courtes comme longues et excelle dans l’orientation du jeu. « Hendo » se distingue par sa spectaculaire capacité à tacler ainsi que sa précision de centre. Ce joueur collectif et rugueux reflète à merveille la philosophie de jeu basée sur l’altruisme instaurée par Rodgers. Cette saison là, le jeune milieu anglais a été titulaire lors de tous les matchs de Championnat et impliqué directement sur 11 buts. Maillon indiscutable dans l’entre jeu des Reds, Jordan forme avec Steven Gerrard, un tandem qui a fait trembler tout le Royaume lors de la saison 2013-2014 et qui constitue encore une charnière indomptable.
Work hard in silence, let success make the noise
Bruyant et remuant sur les terrains, Jordan Henderson est en réalité un homme discret en dehors. Celui qui confesse être tomber amoureux des valeurs du club et de l’ambiance d’Anfield est effectivement un joueur sobre et absent de la plupart des réseaux sociaux de masse. Le natif de Sunderland adopte un comportement irréprochable, se tient loin des scandales à contrario de son coéquipier Mario Balotelli et son ancien compatriote en sélection John Terry. Henderson arbore des bras nus sans tatouage dont le joueur contemporain raffole. Son exposition médiatique se résume aux relations de presses, challenges et contrats de sponsoring orchestrés par son club.
Loin d’être un esthète du ballon rond ou un génie balle au pied, sa conduite de balle raide, parfois grossière est facilement reconnaissable. Sa fougue, sa façon de mouiller le maillot sont des qualités élémentaires à l’heure où la nonchalance est dénigrée par les supporters. Agé seulement de 24 ans, sa marge de progression reste gigantesque. Henderson est un sportif exemplaire si bien qu’il est choisi en décembre dernier pour devenir le nouveau vice capitaine du Liverpool FC. Difficile de ne pas faire le parallèle avec Steven Gerrard, dont il s’affiche comme le digne successeur.
Guillaume Canon